Notre déplacement de 2022

Octobre 2022 :

Nous venons de rentrer d’Ethiopie, remplis d’énergie de la rencontre des jeunes et de l’équipe, boostés pour continuer le travail entrepris et continuer la mobilisation afin d’accompagner ces 204 enfants et adolescents vers une vie responsable et autonome.

C’était riche en émotions de revoir les enfants…Ils ont beaucoup grandi. 

 

Malheureusement, la guerre dans le nord de l’Ethiopie n’est pas finie ce qui rend la situation très préoccupante pour la population. Bien sûr, l’économie est touchée, l’inflation est très importante.

Nous avons rencontrés les jeunes  par petits groupes et leurs retours et questionnements ont été très fructueux.

Nous avons aussi revu l’association « MEKDIM » avec laquelle nous allons travailler sur un accompagnement adapté aux jeunes séropositifs et sur la formation du personnel.

 Les enfants et le personnel comptent beaucoup sur notre soutien car la guerre a tout compliqué…Les jeunes ont du mal à se projeter dans la vie.

 

 Depuis notre retour, les représentants du gouvernement éthiopien et des rebelles du Tigré ont signé un accord de paix.

Nous espérons que la situation va s’apaiser et que les jeunes éthiopiens vont reprendre espoir en l’avenir.

Première journée

Première rencontre avec Tamiru Nega, directeur de l’orphelinat ce mercredi 12/10/2022, nous attaquons tout de suite après les retrouvailles d’usage. Les jeunes sont globalement effrayés et découragés par la guerre. Aucun n’a souhaité s’enrôler, deux anciens du VTPC y sont partis, l’un dans l’armée (il a été blessé) et l’autre dans la police fédérale.

Vingt-cinq jeunes sont en attente de job, douze ont quitté le VTPC en un an ce qui est peu. La situation économique est très défavorable ; les entreprises ont licencié du monde pendant la période Covid mais doivent les réembaucher en priorité au redémarrage des activités. Pour chaque opportunité d’emploi, le VTPC essaie de présenter cinq jeunes. Le gouvernement ne créé plus d’emploi et met toutes ses forces et moyens dans l’effort de guerre dans le nord. Dans la mesure du possible, Tamiru remplace Sereke Behran (responsable des recherches d’emploi) à Burayu deux jours par semaine pour qu’il puisse travailler à la recherche des jobs. Nous allons essayer de faire venir des coachs extérieurs pour préparer les jeunes à la recherche d’emploi, au passage des entretiens et surtout qu’ils prennent un peu la confiance dans leurs capacités.

Etaferahu, une ancienne de l’orphelinat et manager de l’hôtel dans lequel nous logeons précise qu’il n’y a pas de discrimination à l’embauche des personnes séropositives mais que cela restreint le nombre de postes possibles. Il y a plus de 8% de la population qui est concernée, beaucoup ont du travail et vivent bien. Elle est d’accord pour intervenir à Burayu pour motiver et encourager les jeunes, séropositifs ou non.

Rencontre avec Robe qui passera très prochainement l’examen national du grade 12. Elle est intéressée par les sciences naturelles et voudrait devenir docteur par la suite. Le covid a fait prendre aux enfants du retard dans leur scolarité. Afin de ne pas fermer les écoles le temps des sessions d’examens, les autorités ont préféré utiliser les universités en y plaçant les enfants à l’isolement pendant une semaine avec confiscation des portables pour éviter la triche. La population a accepté facilement ce procédé proposé par le nouveau ministre de l’Éducation, docteur Berhanu.

Deuxième journée

L’objectif principal de la journée est de collecter le ressenti, l’implication et l’envie du staff et des jeunes par rapport à l’audit effectué par l’association éthiopienne MEKDIM. Ce projet permettrait une prise en charge des 54 jeunes séropositifs de l’orphelinat .Les objectifs sont centrés sur la prévention, l’importance de l’observance thérapeutique, la prise en charge psycho-social, la formation du personnel.
Après une petite visite rapide, nous attaquons avec une première rencontre du staff. Nous avons demandé à Solomon (qui parle couramment le français et l’amharique) de traduire pour ne pas passer par l’anglais et cela s’avèrera confortable et efficace surtout dans la rencontre avec les jeunes.
Nous demandons l’avis de tous, ils s’expriment librement et sont globalement du même avis et positifs. Le personnel fait de son mieux pour accompagner et soutenir les enfants mais il pense qu’une aide apportée de l’extérieur serait bénéfique et permettrait aux jeunes de se confier plus librement. L’équipe exprime également le sentiment de manquer d’outils pour intervenir et tout le monde se montre intéressé par les formations proposées par Mekdim.
Nous sommes donc rassurés sur le vécu de l’équipe quant à une future intervention de Mekdim à Burayu. Celle-ci n’est pas vécue de manière intrusive et tous semblent prêts à adhérer au programme. La question de la vie affective et sexuelle des jeunes reste plus que taboue et n’est pour l’instant pas abordable. Nous espérons que Mekdim saura l’amener avec prudence. Tamiru nous dira plus tard qu’ils ne ferment pas les yeux sur ces questions, mais qu’ils se doivent de « contenir » les jeunes filles et garçons qui partagent le même lieu de vie : la vie affective n’a pas lieu d’être à Burayu.
La rencontre avec les enfants qui ont eu un entretien avec Mekdim a donné le même résultat positif, les jeunes sont en demande et très intéressés.
En résumé le bilan concernant Mekdim est très positif tant pour les jeunes que pour le staff.

Troisième journée

Nous avons réunion ce vendredi après-midi avec l’ONG Mekdim dans leurs locaux d’Addis. Sont présents Ato Menelik N°2 de Mekdim, Ato Wondossen et W° Alemtseghaye.
Nous leur faisons part des réactions collectées la veille et entamons toute une série de questions d’ordre pratique sur le déroulement du projet, comme le timing, la façon d’évaluer les enfants, les protocoles de mise en place des actions et des formations, les modalités de paiement, leur capacité à aider des jeunes orphelins , la taille de notre projet par rapport à ce qu’ils gèrent d’ordinaire, etc … Les réponses fusent des trois personnes présentes, les pratiques et les protocoles sont les mêmes que chez nous avec le même objectif d’arriver à une charge virale indétectable.
L’aspect contraception et information par rapport à la sexualité est abordé avec une pudeur et une retenue toute éthiopienne. Ils ont bien compris que notre problématique est un peu particulière du fait que les enfants sont orphelins.
La réunion dure deux heures et demie, Solomon traduisant directement des uns aux autres. Nous sommes sortis convaincus de leur compétence et de leur maitrise du sujet. Le programme pourrait démarrer un mois environ après la signature du projet, ils nous encouragent à parler d’eux sur nos sites internet respectifs. Nous visiterons leur clinique la semaine prochaine. Ils attendent notre décision.
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Quatrième journée

Samedi toute la journée à Burayu pour déballage des valises et distribution dans la foulée. Maria a ramené des bonnets en laine qui font un tabac. Nous avons pu ramener six valises de 23 kilos.

Nous avons décidé de rencontrer les jeunes en petit groupe et par catégorie pour ne plus subir le stress de l’année dernière et essayer d’être plus efficace dans l’échange. Les règles sont simples :

Pas d’agressivité, on ne traite que des cas généraux, ce n’est pas le tribunal du staff ni celui des jeunes et on essaie de s’en tenir à une demi-heure. Toujours avec l’aide de Solomon à la traduction.

Nous commençons par les filles qui sont en formation au collège (elles n’ont pas eu assez de points après l’examen du grade 12 pour aller à l’université). Elles étudient le tourisme, la comptabilité, etc.

Elles sont 9 :Addis Alem, Lezebu,Meskerem,Soleana, Bethleem, Misrak, Meheret, Mehaza, Shekurit

Elles ont préparé leur entretien correctement et c’est très intéressant, nous sommes toujours impressionnes par l’intelligence de ces jeunes. Les sujets sont divers et variés :

Le fait que l’on ne leur donne que deux culottes et deux soutiens gorges par an.

Elles demandent à avoir l’accès aux machines à coudre inutilisées de l’ancienne coopérative pour occuper leur temps libre.

Elles nous disent ne pas être traitées par l’administration comme les garçons, tout va moins vite pour elles car elles sont moins virulentes dans leurs échanges avec le staff. Sereke behran et le travailleur social ne démentent pas. Nous en parlons avec le management qui s’engage à leur prêter plus d’attention. Nous vérifierons au prochain voyage.

Elles évoquent également la difficulté du passage des COC (examens pratiques du gouvernement pour valider les formations dans les écoles privées). Sans réussite du COC, la formation ne vaut rien. On peut le passer cinq fois en payant à chaque fois. C’est le problème des écoles privées qui ont laissé les jeunes intégrer l’année supérieure sans passer le COC au fur et à mesure chaque année. Le covid n’a pas permis le passage progressif des examens. Elles demandent des valises en bon état pour ranger leurs affaires en foster families, les leurs sont mangées par les rats ou les souris … On pense à des bacs plastiques.

Elles souhaitent ne plus rester en Foster Family jusqu’à la fin de leur prise en charge mais passer par une phase « maison louée » pour gagner en autonomie. Elles estiment ne pas avoir suffisamment d’autonomie dans les familles d’accueil

Nous voyons ensuite les garçons en formation au même collège.
Filimon, Surafael,Abera, Temesgem,Akenafu, Robe,Sitota, Mekonnen, Aptamu , Yohannes, Temesgem.

Sitota demande que l’on soutienne les projets professionnels qui pourraient regrouper plusieurs jeunes avec ou non du matériel existant dans le centre. Nous leur demandons des projets bien construits et vérifiés par des professionnels que nous pourrions soumettre à la Charity Agency (organisme qui gère les ONG) pour obtenir un accord d’utilisation des moyens du VTPC (centre de formation). Ces jeunes sont encore en études et se projettent à un an ou deux d’ici. Nous expliquons que nous ne voulons plus commettre les erreurs du passé en matière de fonctionnement des ateliers et de formation.

Les garçons reprochent à l’administration de ne pas solliciter suffisamment les autorités locales. Selon eux, nous pourrions être plus aidés et accéder ainsi à des programmes de micro-crédit pour nos jeunes par exemple. Notre structure étant très légère, il apparait une fois de plus qu’il manque l’aide d’un Project officer pour monter tous ces projets et faire le lobbying nécessaire auprès des autorités. Nous pensons que cela favoriserait autant le placement des jeunes que de leur trouver un job qu’ils acceptent bon an mal an. En tout cas, ils sont demandeurs de cela. Jean-François pense qu’il faut faire les deux en même temps.

Jean-François ai bien insisté sur la présence de Jean Marc Plouviez dans les semaines à venir pour qu’ils se préparent et le sollicitent en direct. Jean-Marc vient pour 3 semaines, il va travailler à démarcher les entreprises afin de trouver du travail pour les jeunes qui quittent l’orphelinat. Ils ont la même demande que les filles par rapport aux maisons louées et ont la même réponse par rapport aux enfants porteurs du HIV, ils vivent déjà ensemble en dehors de leur logement.

Ils dénoncent aussi une très forte augmentation des frais de scolarité qui ne sont plus couverts par ce que nous leur donnons. Les frais de photocopies par exemple sont passés de 70 birrs à 150 birrs. Les cours sont donnés sur clés USB mais nos jeunes n’ont pas de pc portable, ils sont donc obligés de faire des impressions papiers ou doivent lire les documents sur leur téléphone.

Les 3000 birrs pour acheter les vêtements ne suffisent plus, une paire de basket de moyenne qualité s’achète 2000 birrs, les chaussettes manquent également. Ils nous proposent d’acheter des boules de chaussures ou de vêtements en vrac qui arrivent de l’étranger mais Tamiru Nega nous dit que c’est de la contrebande et que nous ne pouvons les acheter officiellement et sans risque. En revanche nous pouvons essayer d’en racheter une suite aux saisies des douanes d’Akaki. Il faut une lettre de support des autorités pour expliquer que ces chaussures sont pour des orphelins.

Cinquième journée

Dernier jour au VTPC nous rencontrons les plus grands qui sont encore dans l’orphelinat pour des raisons de santé (enfants porteurs du HIV ou sourds et muets), toujours sous la traduction de Solomon en qui les jeunes ont toute confiance, il y a 20 jeunes dont 6 filles.

Les premières demandes concernent les vêtements et les chaussures en trop petit nombre

Il n’y a pas de problème avec la nourriture qui est suffisante mais elle n’est pas assez variée et toujours servie au même moment dans la semaine. Ils aimeraient un peu de fantaisie et de changement dans les menus. Ils réclament plus de lait et plus de fruits. Ils n’ont plus assez d’argent de poche pour payer leurs activités sportives comme le foot (200 birrs par mois) ou le cirque (500b). Simon qui est sourd et muet demande un ordinateur portable pour continuer ses études en informatique.

Les jeunes réclament de pouvoir regarder le foot à la télé mais la parabole est cassée !

Nous rencontrons les jeunes en attente de trouver un emploi, c’est notre population la plus difficile. Ils sont une douzaine environ dont trois filles.

Jean-François les bouscule un peu  car ils sont tous très en retard dans leur process de recherche de job, certains sont diplômés depuis plus de deux ans. Ce sont toujours les mêmes que nous voyons d’années en années. La discussion est très intéressante. Les écoles privées ne jouent pas le jeu en ne donnant pas les diplômes et documents en temps et en heure. C’est un business juteux et elles font tout ce qui est en leur pouvoir pour que les études durent le plus longtemps possible.

Le VTPC les a inscrits dans une agence pour leur trouver du travail, 5 ont trouvé du travail via cette solution. Cela coute 600 birrs au départ.  Nous avons un problème pour obtenir des garanties. Les entreprises veulent que ce soit des fonctionnaires qui s’engagent comme garants pour s’assurer un paiement en cas de problème. Toutes n’acceptent pas la garantie d’une NGO. Cela concerne tous les métiers qui touchent l’argent ou la propriété : chauffeurs, caissiers, comptables, etc. Ce principe des garanties est une ineptie qui nous pénalise encore plus.

 

Ils nous disent qu’ils ne restent pas parmi nous par plaisir mais que c’est très difficile de trouver un travail surtout si ce n’est pas consécutif à la réussite aux examens. Les lois sur l’enseignement changent en permanence ce qui dévalorise leur diplôme au moment de l’embauche. Les employeurs demandent des garants à l’embauche si le jeune n’a pas d’expérience. Ce sont des lettres de support mais qui peuvent se transformer en demande d’indemnisation le cas échéant.

Le dernier jour est consacré à une entrevue avec Tamiru pour convenir des suites à donner de notre passage

En visitant les dortoirs, nous avons découvert que les matelas, les draps et les couvertures avaient vraiment besoin d’être changés. Le budget de l’orphelinat est extrêmement serré. Les vêtements, les chaussures et la literie ne sont pas une priorité. Les jeunes sont en demande et nous avons de la difficulté à répondre à leurs attentes.

 

 

Un autre projet en cours d’étude est le remplacement de notre forage profond d’eau potable qui s’est tari l’année dernière. Ce forage nous permettait d’être indépendant de l’eau de ville qui est distribuée par intermittence. Il nous permettait également d’offrir des toilettes et surtout des douches aux jeunes qui sont en famille d’accueil (dans les familles, il n’y a pas de douche, la toilette se fait au robinet dans la cour, robinet souvent partagé par plusieurs habitations]. La douche est un luxe, des toilettes propres également. Sur notre terrain, nous avons de l’eau a environ 120 mètres de profondeur. Il nous faudrait un budget de 40000 euros afin de faire un nouveau forage, d’acheter la pompe et les 120 mètres de tuyaux et de refaire des toilettes, douches et buanderies.

Ceci est très attendu par les jeunes, reste à en trouver le financement. C’est un projet qui va nous permettre également de remettre en culture une partie du terrain cultivable de 30 ares dont nous disposons dans le centre.

 

Ce fut un plaisir de se retrouver ensemble sur place comme par le passé. Nombre de nos problèmes ne pourrons se résoudre que si nous retrouvons des financements supplémentaires.

 Le centre fonctionne au ralenti faute de moyens et cela entraîne des répercussions directes sur la vie quotidienne des jeunes.

Rien n’est gaspillé ou mal utilisé. Tamiru Nega, le directeur, pilote à vue, au mieux, de ce qui peut être fait.

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